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Cher lecteur, chère lectrice, J'ai récemment fini l’ouvrage du prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz. Il s’appelle : « Comment la monnaie unique menace l’avenir de l’Europe ». Joseph Stiglitz y fait un sombre constat sur la zone Euro : la monnaie unique pourrait mettre à feu et à sang toute l’économie européenne. Bien sûr, Joseph Stiglitz ne remet pas en cause la forte proximité en Europe, ni l’efficacité de ses traités commerciaux. Les dangers qu’il identifie viennent selon lui d’une « idéologie erronée » selon laquelle : on a pu imaginer de créer une zone monétaire commune avant d’avoir l’union politique ; on a entretenu l’espoir aveugle de créer une monnaie unique entre des pays aux économies très différentes, qu’ils soient frugaux ou dépensiers, en bonne ou mauvaise santé économique.
Son livre tombe à pic, car depuis plusieurs années, les limites de la Zone Euro apparaissent au grand jour. Et il est très difficile de trouver en France ou en Allemagne des économistes avec un vrai recul sur le projet européen. Pour prendre une image sur l’argument de Joseph Stiglitz, c’est comme si vous dirigiez un été un groupe de 20 adolescents, dont la moitié est gravement malade et l’autre en pleine santé. Mais vous devez choisir de TOUS les mettre au lit pendant une semaine avec de l’aspirine, ou bien de TOUS leur faire courir un semi-marathon.
Évidemment, ceux qui sont en pleine santé dépérissent si vous les laissez cloîtrés dans un lit, et ressentent beaucoup de colère. À l’inverse, les malades finissent au bord de la mort si vous les obligez à courir un semi-marathon. C’est exactement ce que fait la Zone Euro, en imposant des décisions monétaires uniques pris à Francfort par la Banque Centrale Européenne, pour une zone où chacun vit différemment.
Une monnaie commune pour des pays hétérogènes qui n’ont pas la même culture économique, ni la même organisation productive, ni la même politique, ni la même structure fiscale… On sait aujourd’hui que l’Euro était un magnifique projet. Mais aussi un pari risqué et un peu trop hâtif. Mais vous n’avez pas à me croire sur parole, ni les économistes, ni même un prix Nobel d’économie.
Alors je vais vous montrer pourquoi la fin de l’Euro est en train d’arriver : les règles communes ont disparu, et le resserrement collectif des pays n’a pas eu lieu. Pourquoi le « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron coupe en deux la Zone Euro.
En rapport avec l’Euro, Joseph Stiglitz évoque le « policy-mix » européen défectueux. Ce terme anglais qu’il utilise signifie que les choix de la Zone Euro font à chaque fois autant de mal que de bien. D’un côté, les gouvernements jonglent entre les dépenses de l’État, les impôts et les taxes. De l’autre, la Banque Centrale Européenne gère l’offre et la demande de monnaie en circulation. Mais ce que la plupart des gens ignorent, c’est que ces deux politiques doivent absolument être alignées !
Par exemple, en ce moment, l’État français fait le choix unilatéral de multiplier les plans de relance, et d’endetter toute la population pour relancer sa croissance. Cette politique détestable a même un nom : le « quoi qu’il en coûte » ! Pour qu’elle fonctionne, Emmanuel Macron a besoin de deux actions dans la Zone Euro :
- Qu’il y ait beaucoup d'argent en circulation, pour que de nouveaux projets puissent facilement voir le jour ;
- Et en même temps que les taux d’intérêt restent bas, pour que la France puisse financer sa dette sans risquer la faillite.
La France met donc une pression intense sur la BCE à Francfort. Mais l’Allemagne n’est pas du tout d’accord ! Au contraire, ses dettes sont saines, et elle veut éviter les hausses de prix qui tuent le pouvoir d’achat des allemands. Alors l’Allemagne fait pression sur la BCE pour des mesures opposées à la France, qui aideraient sa propre croissance.
Comment fait-on, dans ce cas-là ? Il n’y a pas de solution, à part de violents rapports de force qui menacent de casser les relations européennes – juste parce que le système de l’Euro est mal posé. Les décisions économiques appartiennent aux gouvernements nationaux, mais les décisions monétaires appartiennent à Francfort pour tout le monde.
La France n’a JAMAIS respecté les règles (et elle n’est pas la seule). Bien sûr, les politiciens de Bruxelles ont essayé de poser un cadre, avec des règles communes à tous pour la Zone Euro. Ce sont les Critères de Maastricht dont on nous rabattait les oreilles dans les années 2000 :
- Déficit maximal de 3% du Produit Intérieur Brut chaque année ;
- Dette publique totale sous 60% du PIB.
Les créateurs de la Zone Euro savaient que ces pays si différents doivent au minimum rester peu endettés, pour garder une cohérence à Francfort. Ils avaient même prévu des amendes, mais celles-ci n’ont jamais été appliquées… Il faut dire qu’à l’époque, les problèmes de surendettement paraissaient encore loin.
La suite ? Malgré les soutiens européens qui ont aidé en continu l’Espagne, l’Irlande, le Portugal… Un pays européen a fini par faire faillite, la Grèce, seulement sauvée en allant piocher dans le portefeuille des Allemands. Aujourd’hui, la France est la première à marcher sur les règles communes de la Zone Euro.
On peut raconter toutes les belles histoires possibles autour de l’Europe, mais il y a un fait qui dérange : Dans toute l’histoire de l’Euro, la France n’a JAMAIS respecté une seule fois les Critères de Maastricht, nécessaires au fonctionnement de la Zone Euro. Pire : comme un symbole, c’est en 2002, l’année de mise en circulation de l’Euro, que la France a dépassé la première fois les 60% de dette publique autorisée. Et c’est là que cela bloque. Aujourd’hui, le constat est le suivant : Certes beaucoup de Français ont une forte conscience du projet européen en général, et l’ont encore renforcée avec le Brexit. Mais ils n’ont pas forcément conscience d’être le pays (avec l’Italie) qui est en train de tuer de l’intérieur la Zone Euro.